Destin #28 – Georges Weiss

Georges Weiss

« 63 secondes »
Georges Weiss

Il ne faisait pas partie de la garnison. Pourtant, le jeune Georges Weiss, maréchal des logis de 18 ans, est resté lors des premiers jours de la bataille à son poste, sur les dessus du fort de Moulainville afin de régler des tirs d’artillerie. Son unité a battu en retraite mais lui n’a pas quitté le fort.  Sa jeunesse et sa détermination ont fini par convaincre le nouveau commandant de Moulainville, le capitaine Harispe, de le garder sous ses ordres.

Et maintenant, le jeune Belfortin est affecté à l’observation des batteries d’artillerie allemandes qui s’en prennent au fort en ce mois de mars 1916. Et notamment, les deux canons de 420 mm qui cherchent à faire taire ses deux tourelles. D’abord positionné en extérieur, Weiss a dû se replier dans un des observatoires cuirassés pour mener à bien sa tâche devenue bien trop dangereuse à l’air libre. Car les obus crachés par ces canons ont de quoi terroriser les hommes de la garnison…

A chaque tir, le soleil parait se lever à une quinzaine de kilomètres de là par-dessus la cime des arbres de la forêt où ils sont installés. Saisissant le téléphone mis à sa disposition, Weiss annonce le départ du coup au capitaine. Dans les différentes parties du fort, les hommes se précipitent dans les locaux les plus solides. Tous savent que le coup de fil de Weiss donne le top départ des 63 secondes avant que le projectile d’une tonne ne s’abatte sur le fort. L’obus qui est monté à 8 kilomètres d’altitude chute de toute sa masse en direction de sa cible.  Dans les entrailles de Moulainville, les hommes entendent de plus en plus distinctement le projectile fondre sur eux. C’est comme si un train complet avec tous ses wagons tombait du ciel.

Weiss, lui, doit rester à son poste. Tremblant comme une feuille, agrippé aux supports du goniomètre qui lui sert à donner les coordonnées de tir, il semble à chaque fois voir venir sa fin. On ne s’habitue pas aisément à ce genre d’émotion. Puis brusquement, l’obus frappe le fort qui semble s’enfoncer dans le sol avant de revenir à son niveau initial, coupant la respiration de tous les hommes. Quelques centièmes de seconde plus tard, c’est la terrible déflagration dont le souffle et les éclats brisent, émiettent tous les éléments, béton, pierres, briques et os se trouvant sur leur chemin.

Par la suite, à partir du mois de mai 1916, des galeries sont creusées en dessous du fort afin de donner une meilleure protection à la garnison, sauf pour Weiss qui doit continuer à scruter l’emplacement des 420 mm. Si malgré l’épreuve il réussit à conserver ses nerfs, il n’en est pas de même pour un certain nombre de ses camarades qui, excédés par cette situation, finissent par en vouloir à cet homme dont les coups de téléphone annoncent la mort avec 63 secondes d’avance…

Dans ce climat délétère, Weiss est finalement envoyé à l’instruction à Fontainebleau par le capitaine Harispe, soucieux de ménager ce jeune homme dont le courage et le sang-froid ont concouru à sauver tant de vies.

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