Secoué par le vent dans sa nacelle suspendue sous l’ample enveloppe de tissu de son ballon d’observation, le sous-lieutenant Jean Tourtay scrute le champ de bataille. Restant des heures à plusieurs centaines de mètres d’altitude, cela fait plusieurs semaines qu’il informe l’état-major par téléphone de l’évolution de la ligne de front et qu’il guide d’innombrables tirs de canons.
Depuis qu’il est arrivé sur le front de Verdun, Tourtay a acquis une solide réputation. Malgré les fumées qui recouvrent le champ de bataille et les intempéries, ses yeux ne se trompent jamais.
Mais en ce dimanche 2 avril 1916, il annonce que les Allemands sont en train de progresser en force au sud du fort de Douaumont. Comment cela est-il possible ? La bataille fait certes rage. Mais, au sol, aucune information n’a été transmise par les fantassins. Les Allemands seraient maintenant au sud de la ligne de chemin de fer Fleury-Vaux. Et Tourtay demande un barrage d’artillerie sur cette zone où sont regroupées les réserves françaises.
Ses yeux l’auraient-ils trahi ? A l’État-major, on s’inquiète, on hésite. La situation est grave mais on ne sait pas quoi décider de peur de tirer sur des troupes amies. Le général Nudant l’appelle directement et lui demande de jurer sur l’honneur qu’il est sûr de ce qu’il voit. Tourtay s’exécute. Le tir dévastateur est alors déclenché.
Quelques heures plus tard, un régiment français est envoyé pour contre-attaquer. Dans leur marche en avant, les poilus croisent alors de nombreux tués et blessés allemands victimes de l’effroyable bombardement.
Ce jour-là, les Français avaient été sauvés par les yeux de faucon de Jean Tourtay, véritable « as » de l’aérostation.