Trop âgé pour être mobilisé en 1914, Félix Vallotton, se porte volontaire pour les missions d'artistes organisées par le secrétariat aux Beaux-Arts et le ministère des Armées. Sa représentation de "Verdun", achevée en décembre 1917, est toute paradoxale ; il écarte toute référence visuelle au lieu, bannit toute figuration d'hommes engagés dans l'enfer pour composer une véritable allégorie de la guerre moderne. Un jeu de faisceaux de couleurs balaye la toile et l'envahit.
Avec ce paysage vide d'hommes, sans nature ni vivant, qui frise l'abstraction, l’œuvre de Félix Vallotton est comprise très tôt comme l'une des représentations les plus fortes de la bataille.
«On ne sait plus, tout se passe à un autre étage, les rapports sont chavirés et plus rien n’est à son plan. Un projectile éclate à cent mètres et n’a d’autre effet que ce réflexe physique qui fait rentrer la tête dans les épaules alors qu’un fraisier poussé dans une embrasure attendrit et se charge de signification. Que représenter dans tout cela ? Pas l’objet, bien sûr, ce serait primaire […]. Dessiner ou peindre des « forces » serait bien plus profondément vrai qu’en reproduire les effets matériels, mais ces « forces » n’ont pas de forme, et des couleurs encore moins. […] D’ores et déjà, je ne crois plus aux croquis saignants, à la peinture véridique, aux choses vues, ni même vécues. C’est de la méditation seule que peut sortir la synthèse indispensable à de telles évocations. Peut-être celui [qui] la créera est [-il] un homme rassis, lucide et froid, qui n’aura rien vu mais dont le cerveau saura déduire et cristalliser. »
F. Vallotton « Art et Guerre », in Les Écrits nouveaux, décembre 1917
MAÎTRISE D’OUVRAGE
Jérôme Dumont, président du Mémorial de Verdun-Champ de bataille
Nicolas Barret, directeur du Mémorial de Verdun-Champ de bataille
COMMISSARIAT DE L’EXPOSITION
Édith Desrousseaux de Medrano, agence Sources
Clotilde Bizot-Espiard, Mémorial de Verdun-Champ de bataille
CONSEIL SCIENTIFIQUE
François Cochet, professeur émérite des universités, président du conseil d’orientation scientifique du Mémorial de Verdun-Champ de bataille
Nicolas Czubak, responsable du pôle «Histoire & Médiation» et membre du conseil d’orientation scientifique du Mémorial de Verdun-Champ de bataille
Sylvie Le Ray-Burimi, conservatrice en chef du patrimoine, cheffe du département des beaux-arts et du patrimoine au musée de l’Armée
Didier Maes, éditions Hortus, cofondateur de la collection «les Musiciens et la Grande Guerre»
Guillaume de Vaulx, docteur agrégé de philosophie (laboratoire du CNRS Orient et Méditerranée)
SCÉNOGRAPHIE & GRAPHISME
Flavio Bonuccelli, scénographe
Robaglia design, graphiste
RÉGIE DES COLLECTIONS
Nathalie Bruneau, Mémorial de Verdun-Champ de bataille
RÉGIE TECHNIQUE
Jonathan Sanhagi, Mémorial de Verdun-Champ de bataille
En savoir plus sur l’œuvre Félix Vallotton achève son tableau de Verdun en décembre 1917. Cette représentation est toute paradoxale : il écarte toute référence visuelle au lieu, bannit toute figuration d’hommes engagés dans l’enfer pour composer une véritable allégorie synthétique de la guerre moderne. Seul le titre de son œuvre, soigneusement notée dans son répertoire d’œuvres appelé « livre de raison » affirme le lien entre l’œuvre et la bataille. Durant des mois, il s’est documenté, s’est imprégné intellectuellement de cet affrontement hyperbolique, sans se rendre à Verdun. C’est le fruit de sa réflexion et de sa méditation intérieure qu’il vient peindre sur cette toile. Aucune indication ne permet de saisir l’échelle qu’il emploie : la scène est littéralement démesurée. Un jeu de faisceaux de couleurs balaye le tableau et l’envahit : le regard les suit sans identifier de perspective. Dans ce paysage qui frise l’abstraction, les forces et les masses dominent. Vide d’hommes, sans nature ni vivant, écrasée par des forces titanesques, l’œuvre de Félix Vallotton est comprise très tôt comme l’une des représentations les plus fortes de la bataille. Elle est acquise par le musée de l’Armée en 1976.