Événement

Lucien Durosoir. Survivre dans l’enfer de Verdun grâce à la musique

  • Date
  • Lieu
    Mémorial de Verdun
  • Durée
    1h
Durant sa mobilisation, Lucien Durosoir, violoniste et compositeur français, va trouver refuge dans la musique pour survivre à l’horreur de la guerre. Il va d’ailleurs être membre d’un quatuor à cordes, créé durant la Première Guerre mondiale, aux côtés du violoncelliste Maurice Maréchal entre autres. Ce récital rend hommage à l’œuvre et au parcours de Lucien Durosoir. Le violoniste François Pineau-Benois  jouera avec le violon de guerre de Lucien Durosoir qu’il avait sur le Champ de bataille de Verdun, surnommé « Le Genève ».

« Maréchal comme Durosoir n’étaient pas seulement des virtuoses […]. Ils auraient pu aussi bien être poètes, peintres ou écrivains. Ils ont l’âme à fleur de peau, et c’est tout l’intérêt des lettres de Durosoir à sa mère comme celui des carnets intimes de Maréchal… »
Jean-Pierre Guéno, Préface de Deux musiciens dans la Grande Guerre, de Luc Durosoir, éditions Tallandier (2005)

LUCIEN DUROSOIR (1878-1955)
SURVIVRE DANS L’ENFER DE VERDUN
GRÂCE À LA MUSIQUE
Car, être soldat, c’est être le glaive nu.
C’est se dépouiller d’illusions, étouffer ses souvenirs…
C’est se faire âme farouche et désertique, d’où se retirent les grâces
brillantes et paisibles des sociétés humaines.

Henri de Malherbe, Flamme au poing, Paris, Albin Michel, 1917
Prix Goncourt 1917.

Le saillant de Verdun, le fort de Douaumont, le bois des Caures, le ravin de Fleury, le bois de la Caillette… lieux d’apocalypse et de mort. La ferme d’Amblonville, Génicourt, Stainville, Rupt-en-Woëvre, lieux du repos tant espéré ; pour croire encore à la vie, pour retrouver le violon, le violoncelle, la lecture des partitions venues de l’arrière et, avec les amis musiciens, préparer d’authentiques concerts.
« L’art et l’enfer », en effet ; ce curieux voisinage a existé. La multiplication des actions de création artistique témoigne d’autant d’actes de survie, de pieds de nez à l’absurdité de la guerre, d’instants de bonheur partagés. Les « Musiciens du général », sous la houlette de Lucien Durosoir, violoniste virtuose, ont consacré toutes leurs heures de repos à déchiffrer, monter, perfectionner quantités d’œuvres du grand répertoire et même de créations nouvelles. André Caplet, prix de Rome, a composé des mélodies, enseigné le contrepoint à Durosoir, lequel a longuement mûri, dans ces moments si privilégiés, ses premières œuvres dont certaines seront dédiées à Maurice Maréchal, le jeune violoncelliste du groupe.
Les œuvres de ce concert ont été choisies, parmi les dizaines et les dizaines de pièces du vaste « répertoire de la guerre », parce qu’elles représentent les deux moments majeurs de la vie d’une œuvre musicale : la création et l’interprétation.
La création : lorsqu’il achève, en 1920 – moins d’un an après sa démobilisation - les Cinq Aquarelles pour violon et piano, Lucien Durosoir est conscient qu’il vient de produire les premiers « fruits mûrs » qu’il promettait à sa mère dans une lettre du 12 septembre 1916. Cinq miniatures dédiées aux pensées et images qui le maintinrent en vie pendant cinquante cinq mois au front : les souvenirs « d’avant » (Bretagne), les rêves de paix (Vision, Berceuse), les multiples facettes de l’art violonistique (Ronde, Intermède).
L’interprétation : la Sonate pour violon et piano de César Franck est une pièce maîtresse du répertoire de la musique de chambre ; tous les artistes l’ont travaillée, mémorisée, jouée maintes fois. Durosoir l’aime tout particulièrement et lui doit de belles acclamations à travers l’Europe. Mais aujourd’hui c’est la guerre. Le public est tout autre et le nom du compositeur lui-même, est inconnu du plus grand nombre. Peu importe ! Tout le monde a droit à la beauté.
Nous sommes le 14 avril 1916. Sous le préau de l’école de Stainville, le modeste piano est installé. Dans ce public bigarré, un homme est là, discret : Henri de Malherbe qui attend avec ferveur le moment où la musique résonnera pour lui, comme pour lui seul. « Nous avons passé cinquante sept jours au nord de V… alors que la bataille faisait rage »… Faisons silence, voici les artistes : le chétif André Caplet s’assied devant le piano qui va bientôt le métamorphoser, tandis que le massif Lucien Durosoir vérifie la justesse de ses quatre cordes. Et le miracle musical s’accomplit, là, dans l’humble décor d’une école publique.
« La Sonate de Frank, grave et ingénue, d’une plénitude admirable, sourd, coule et s’enfle comme une eau limpide jaillie de la terre…On ne pense plus aux bras longs, engoncés dans les manches trop courtes du fascinant violoniste…Ce que nous avons de meilleur et de sain remonte en nous, s’éploie et chante avec cette mélodie candide. Les hommes qui écoutent ici ont repris le fort de Douaumont, ils ont vécu sur un océan de meurtre et de férocité ! Et les voici comme un peuple d’enfants vertueux ». (H. de Malherbe).
Lorène de Ratuld, pianiste, créatrice des œuvres de musique de chambre de Lucien Durosoir en 2005, accompagnera François Pineau-Benois qui joue « Le Genève », violon de guerre de Lucien Durosoir.
Georgie Durosoir