« Maréchal comme Durosoir n’étaient pas seulement des virtuoses […]. Ils auraient pu aussi bien être poètes, peintres ou écrivains. Ils ont l’âme à fleur de peau, et c’est tout l’intérêt des lettres de Durosoir à sa mère comme celui des carnets intimes de Maréchal… »
Jean-Pierre Guéno, Préface de Deux musiciens dans la Grande Guerre, de Luc Durosoir, éditions Tallandier (2005)
LUCIEN DUROSOIR (1878-1955)
SURVIVRE DANS L’ENFER DE VERDUN
GRÂCE À LA MUSIQUE
Car, être soldat, c’est être le glaive nu.
C’est se dépouiller d’illusions, étouffer ses souvenirs…
C’est se faire âme farouche et désertique, d’où se retirent les grâces
brillantes et paisibles des sociétés humaines.
Henri de Malherbe, Flamme au poing, Paris, Albin Michel, 1917
Prix Goncourt 1917.
Le saillant de Verdun, le fort de Douaumont, le bois des Caures, le ravin de Fleury, le bois de la Caillette… lieux d’apocalypse et de mort.
La ferme d’Amblonville, Génicourt, Stainville, Rupt-en-Woëvre, lieux du repos tant espéré ; pour croire encore à la vie, pour retrouver le violon, le violoncelle, la lecture des partitions venues de l’arrière et, avec les amis musiciens, préparer d’authentiques concerts.
« L’art et l’enfer », en effet ; ce curieux voisinage a existé.
La multiplication des actions de création artistique témoigne d’autant d’actes de survie, de pieds de nez à l’absurdité de la guerre, d’instants de bonheur partagés. Les « Musiciens du général », sous la houlette de Lucien Durosoir, violoniste virtuose, ont consacré toutes leurs heures de repos à déchiffrer, monter, perfectionner quantités d’œuvres du grand répertoire et même de créations nouvelles. André Caplet, prix de Rome, a composé des mélodies, enseigné le contrepoint à Durosoir, lequel a longuement mûri, dans ces moments si privilégiés, ses premières œuvres dont certaines seront dédiées à Maurice Maréchal, le jeune violoncelliste du groupe.
Les œuvres de ce concert ont été choisies, parmi les dizaines et les dizaines de pièces du vaste « répertoire de la guerre », parce qu’elles représentent les deux moments majeurs de la vie d’une œuvre musicale : la création et l’interprétation.
La création : lorsqu’il achève, en 1920 – moins d’un an après sa démobilisation - les Cinq Aquarelles pour violon et piano, Lucien Durosoir est conscient qu’il vient de produire les premiers « fruits mûrs » qu’il promettait à sa mère dans une lettre du 12 septembre 1916. Cinq miniatures dédiées aux pensées et images qui le maintinrent en vie pendant cinquante cinq mois au front : les souvenirs « d’avant » (Bretagne), les rêves de paix (Vision, Berceuse), les multiples facettes de l’art violonistique (Ronde, Intermède).
L’interprétation : la Sonate pour violon et piano de César Franck est une pièce maîtresse du répertoire de la musique de chambre ; tous les artistes l’ont travaillée, mémorisée, jouée maintes fois. Durosoir l’aime tout particulièrement et lui doit de belles acclamations à travers l’Europe. Mais aujourd’hui c’est la guerre. Le public est tout autre et le nom du compositeur lui-même, est inconnu du plus grand nombre. Peu importe ! Tout le monde a droit à la beauté.
Nous sommes le 14 avril 1916.
Sous le préau de l’école de Stainville, le modeste piano est installé. Dans ce public bigarré, un homme est là, discret : Henri de Malherbe qui attend avec ferveur le moment où la musique résonnera pour lui, comme pour lui seul. « Nous avons passé cinquante sept jours au nord de V… alors que la bataille faisait rage »…
Faisons silence, voici les artistes : le chétif André Caplet s’assied devant le piano qui va bientôt le métamorphoser, tandis que le massif Lucien Durosoir vérifie la justesse de ses quatre cordes. Et le miracle musical s’accomplit, là, dans l’humble décor d’une école publique.
« La Sonate de Frank, grave et ingénue, d’une plénitude admirable, sourd, coule et s’enfle comme une eau limpide jaillie de la terre…On ne pense plus aux bras longs, engoncés dans les manches trop courtes du fascinant violoniste…Ce que nous avons de meilleur et de sain remonte en nous, s’éploie et chante avec cette mélodie candide. Les hommes qui écoutent ici ont repris le fort de Douaumont, ils ont vécu sur un océan de meurtre et de férocité ! Et les voici comme un peuple d’enfants vertueux ». (H. de Malherbe).
Lorène de Ratuld, pianiste, créatrice des œuvres de musique de chambre de Lucien Durosoir en 2005, accompagnera François Pineau-Benois qui joue « Le Genève », violon de guerre de Lucien Durosoir.
Georgie Durosoir
Ce concert est organisé avec la famille Durosoir.
Le texte est écrit par la belle-fille de Lucien Durosoir, Georgie Durosoir, musicologue.
INÉDIT : Le violoniste François Pineau-Benois jouera avec le violon de guerre de Lucien Durosoir qu’il avait sur le Champ de bataille de Verdun, surnommé «Le Genève».
Pour ce concert, François Pineau-Benois sera accompagné de Lorène de Ratuld, pianiste.
Violoniste-concertiste de la nouvelle génération, François Pineau-Benois, surnommé par la presse internationale "virtuose français", est entré au Conservatoire National Supérieur de Paris (CNSMDP) à l'âge de 14 ans. Il est titulaire des masters en violon et en musique de chambre du CNSMDP et s’est perfectionné avec Régis Pasquier à l'Ecole Normale de Musique Alfred Cortot.
Il a travaillé avec Maxim Vengerov, Salvatore Accardo et Mauricio Fuks dans les académies sélectives européennes.
François est lauréat des bourses de carrière de la Fondation Banque Populaire et du Safran pour la Musique (2017) ainsi que des prix de plusieurs concours : le Premier Prix (duo) du Concours International Pro Musici (2019, Paris), le Grand Prix du Concours International Alexander Glazounov (2017, Paris), le Grand Prix Ciboure de l'Académie Ravel (2015, Saint-Jean-de-Luz), le Prix Jeune Artiste du Concours International Leopold Mozart (2013, Augsbourg) et d’autres.
Musicien au son exceptionnel, il a été invité à jouer avec des musiciens de renom tels que François-René Duchable, Regis Pasquier, Roland Pidoux et de jeunes musiciens en France, Belgique, Turquie, Russie, Allemagne, Espagne, Hongrie, Israël, Royaume-Uni. En tant que soliste, il a joué avec des orchestres philharmoniques les concertos de Haydn, Mozart, Saint-Saëns, Vieuxtemps, Sibelius, Bartok, Graciane Finzi. Avec des orchestres de musique de chambre, il interprète Tartini, Mozart, Kreisler, Bach, Vivaldi, Waxmann. En janvier 2022, il a enregistré le Concertino pour violon et cordes de Matti Murto avec l'Ensemble Oulunsalo, soutenu par l'Institut finlandais de Paris.
France Musique l’invite à plusieurs reprises pour des émissions en direct. Il s'est produit à la radio néerlandaise depuis le Concertgebouw, a enregistré un programme d'œuvres romantiques à la Radio Bartok de Budapest en 2022.
Il est membre du trio Philia et a enregistré avec eux son premier CD en 2022 qui a été nominé par France Musique.
Pineau-Benois joue le violon italien historique (XVIII) "Le Genève" du virtuose français du début du XXe siècle Lucien Durosoir gracieusement prêté par l’association Musiciens entre Guerre et Paix. Il est professeur au Conservatoire Rachmaninoff de Paris.
https://www.francoispineaubenois.com/
Au fil des concerts et des enregistrements, en récital ou en musique de chambre, Lorène de Ratuld donne à entendre un vaste répertoire ; centré sur la période romantique et la musique française, il fait aussi la part belle aux compositeurs et compositrices méconnus, aux œuvres rares ou inédites et aux compositeurs d’aujourd’hui (N. Bacri, K. Beffa, S. Bortoli, P. Farago, N. Mondon, F. Mulsant).
Élève de Brigitte Engerer, elle reçoit une riche formation au CNSMD de Paris ; après son Prix de piano avec mention Très Bien à l’unanimité, elle se perfectionne auprès de Jean François Heisser (cycle de perfectionnement piano), Christian Ivaldi (musique de chambre) et Anne Grappotte (accompagnement vocal).
Lauréate du Concours International Piano Seiler en 2003, elle obtient en 2004 plusieurs Prix au Concours International Piano Campus, dont celui du magazine Classica Répertoire qui publie son premier récital (CD « Découverte »). En 2005, elle reçoit le Prix Lucien Durosoir avec Geneviève Laurenceau et, en 2011, le Prix Pro Musicis.
Invitée d’importants festivals en France (Auvers-sur-Oise, Piano à Auxerre, Matinales d’Arles, Serres d’Auteuil, Piano en Valois, Festival Berlioz, Festival de l’Epau, 1001 Notes), elle joue aussi à l’étranger : invitée régulièrement par la Fondation Bru Zane à Venise, elle se produit en Allemagne, Autriche, Belgique, Roumanie, Suède, et à plusieurs reprises en Afrique (Algérie, Gabon, Mauritanie) et aux Émirats Arabes Unis.
La musique de chambre tient une place importante dans son activité : elle forme notamment, depuis 2011, le Duo Luperca avec la violoncelliste Aurélienne Brauner.
Sa discographie reflète ses choix artistiques et son engagement auprès de différents artistes et labels : Récital Dutilleux / Beffa (« Coup de Cœur » de l’Académie Charles Cros), Œuvre pour violon et piano de L. Durosoir (« Gramophone recommends »), Sonates pour violoncelle et piano de Franck, Fauré et Vierne avec Aurélienne Brauner. Récemment ont paru Piano Works de F. Mulsant (« 5 Etoiles » de Classica) et l’intégrale de L’Œuvre pour piano de J. de La Presle (« 5 Diapasons »), inédite au disque.